Analyse du projet de loi « avenir professionnel » – Revendications et propositions du CNTPEP

Travailleurs indépendants

Articles 26 et surtout 28 du projet de loi

Le gouvernement propose une « indemnisation » réduite en montant et en nombre pour les travailleurs indépendants « dont la cessation d’activité est involontaire et définitive ». Il s’agit en fait d’un nouveau minimum social (un forfait de 800 € pendant 6 mois maximum) dont ne pourront bénéficier que les seuls gérants de société ou artisans, commerçants et professions libérales en redressement ou liquidation judiciaire. L’UNEDIC chiffre le nombre de bénéficiaires à seulement 15 000 sur les 3 millions d’ « indépendants », excluant la majorité de ceux-ci, notamment les coursiers, livreurs ou personnels des EHPAD et de la santé. La quasi-totalité de ces travailleurs sont laissés de côté, sans aucun droits sociaux ni aucun accès à la protection sociale. On est bien loin de la promesse gouvernementale d’une « indemnisation universelle du chômage ».

LE CNTPEP PROPOSE ET REVENDIQUE :

Une Sécurité sociale réellement universelle, où tous les travailleurs ont accès à la Protection sociale, y compris et même surtout les travailleurs les plus précaires dits « indépendants » qui sont très souvent des salariés déguisés, auxquels le patronat refuse tous les droits. C’est possible si les employeurs dont ils dépendent souvent directement versent des cotisations sociales, comme pour l’ensemble des travailleurs

 

Démission

Articles 26 et 27 ; article 36 du projet de loi

Le gouvernement propose une indemnisation limitée à de multiples conditions :

  • à 5 ans d’ancienneté au sein de la même entreprise ;
  • à un projet de « reconversion professionnelle réel et sérieux» (sans définition de critères) « nécessitant le suivi d’une formation » ou «  de création ou de reprise d’une entreprise » ;
  • à à préparer auprès d’opérateurs privés (le Conseiller en Evolution Professionnelle) ;
  • à qui doit obligatoirement recevoir l’accord d’un organisme paritaire puis de Pôle Emploi et ce avant la démission ;
  • à dans le cadre d’un budget global limité a priori.

Il s’agit ici d’une arnaque confondant la proposition affichée d’une indemnisation des démissionnaires avec une indemnisation aux conditions très limitées, et réservée uniquement aux salariés en mobilité professionnelle. Dans 73% des cas, la démission est la conséquence d’une souffrance au travail et de violences, comme du harcèlement moral, du harcèlement sexuel ou d’une surexploitation par l’employeur. C’est ce même employeur qui refuse un licenciement au salarié, et le pousse à la démission. Sur les 1.000.000 de salariés ayant démissionné en 2016, seuls 210.000 sont inscrits à Pole Emploi. C’est déjà dérisoire lorsque l’on sait que seuls 48% ont une ancienneté d’au moins 5 ans et que 11% seulement démissionnent pour « se lancer dans un nouveau projet professionnel » !

LE CNTPEP PROPOSE ET REVENDIQUE :

Le droit à l’indemnisation pour tous les travailleurs privés d’emploi, à 80 % de leur ancien salaire, jamais en dessous de 80 % du SMIC revendiqué par la CGT !  Pour faire reculer le chômage organisé et mettre fin au système de charité des minima sociaux, ce droit doit être réellement universel, en incluant les primo-demandeurs d’emploi. Concernant les démissionnaires, comment justifier à des travailleurs jetés au chômage de ne pas bénéficier de leurs droits alors qu’ils ont cotisé ?

 

Gouvernance et financement

Articles 30 à 33 du projet de loi

Le gouvernement met fin à la gestion ouvrière puis paritaire de l’Assurance-Chômage, à la fois dans le financement (en supprimant dès le 1er janvier 2018 la cotisation sociale « assurance-chômage » remplacée par une hausse de la CSG de 1,7 %) et dans la gouvernance, retirée aux organisations de salariés et du patronat. En « remplaçant » une cotisation sociale par un impôt, E. Macron veut revenir sur la conquête sociale que représente une part socialisée du salaire assurant à tous les travailleurs une protection sociale lorsqu’ils se retrouvent privés d’emploi.

De ce fait, le lien est également rompu entre le salaire antérieur et le montant de l’indemnisation, ce qui laisse à craindre une baisse des droits dans leur montant et leur durée, à l’image des droits au rabais proposés par le gouvernement aux indépendants.

Le gouvernement annonce vouloir « conserver aux partenaires sociaux une place déterminante » mais il retire aux organisations syndicales et patronales toute marge de discussion et de proposition pour décider des conditions d’indemnisation des chômeurs (ce qui est pourtant la seule mission de l’UNEDIC !) : « en amont des négociations, un document de cadrage sera transmis aux partenaires sociaux, précisant la trajectoire financière à respecter » et fixant « les objectifs d’évolution » et « le délai ». Si le gouvernement n’est pas satisfait du résultat des négociations, il peut demander aux organisations de se réunir à nouveau pour « corriger cet écart », voire même « l’Etat pourra définir par décret les paramètres du régime ». Il s’agit donc bien d’une étatisation de l’assurance-chômage, dont la gestion est complètement retirée aux travailleurs et à leurs organisations.

LE CNTPEP PROPOSE ET REVENDIQUE :

Une 5ème branche de la Sécurité sociale pour les chômeurs, garantissant le droit à un revenu de remplacement jusqu’au retour à l’emploi, d’un montant de 80 % du SMIC revendiqué par la CGT, soit 1800 euros. Comme dans le programme du Conseil National de la Résistance, la Sécurité sociale a vocation à être financée par la part socialisée des travailleurs, et gérée par leurs représentants élus.

 

Contrôles et sanction à l’encontre des chômeurs

Articles 34 à 36 du projet de loi

Le gouvernement annonce un « accompagnement plus personnalisé » des demandeurs d’emploi tout en redéfinissant la mission de Pôle Emploi. Jusqu’à présent, le Code du Travail précisait les missions obligatoires de Pole Emploi (« procéder à la collecte des offres d’emploi », « assurer la mise en relation entre les offres et les demandes d’emploi » et « informer, orienter et accompagner les personnes à la recherche d’un emploi »). Comme lorsque son directeur général Jean Bassères affirme que « Pole Emploi n’est pas là pour proposer des offres d’emplois aux chômeurs », le gouvernement se défausse complètement des missions d’accompagnement de Pole Emploi :

  • ce seront aux chômeurs seuls de faire leurs recherches d’emploi ;
  • nous devrons en justifier tous les mois via le « tableau de bord » ;
  • sans pouvoir décider de l’emploi que nous recherchons et devrons accepter, car l’Offre Raisonnable d’Emploi est supprimée !

Actuellement la loi précise déjà que c’est à chaque demandeur d’emploi de décider, après consultation de son conseiller, de l’emploi qu’il recherche et dans quelles conditions (salaire, distance, temps de travail). Pourquoi supprimer cette méthode si ce n’est pour imposer des emplois non choisis et surtout avec des salaires et des conditions de travail de plus en plus dégradés ?!

On passe donc d’une logique d’accompagnement et de contrôle et à une logique exclusive de répression :

  • en multipliant par 5 les effectifs des brigades de contrôle des chômeurs, alors que nous manquons déjà de conseillers pour nous accueillir, calculer nos droits ou… contrôler les offres d’emploi dont plus de 50 % sont illégales !
  • en rendant possible des « de sanctions portant sur le revenu de remplacement » (« supprimer le revenu de remplacement »), aujourd’hui interdites par la loi comme il s’agit de l’argent de nos cotisations !
  • en transférant du Préfet à Pôle Emploi la compétence en matière de sanctions et de pénalités administratives (aujourd’hui réservées aux Préfets pour leur caractère exceptionnel et très encadré).

Il est absurde de remplacer la mission d’accompagnement de Pole Emploi par une mission exclusivement de répression, où l’on multiplierait les radiations et les suppressions d’indemnisation en jugeant arbitrairement que l’on ne cherche pas assez un emploi, alors même que le chômage de masse s’enlise et que le président Macron annonce 120 000 suppressions de fonctionnaires à venir !

Le seul objectif de stigmatiser les chômeurs comme des fraudeurs, de vouloir les faire passer pour responsables du chômage et de nous supprimer pour faire croire que l’on supprime le chômage, c’est de cacher les véritables responsables du chômage qui ont intérêt à la fois au chômage mais aussi à une augmentation brutale de la précarité dans les entreprises.

LE CNTPEP PROPOSE ET REVENDIQUE :

Le droit à l’accompagnement avec un Service public de l’emploi qui respecte sa mission : un réel accompagnement dans notre recherche d’emploi plutôt que la répression. Pôle Emploi doit arrêter de supprimer des conseillers, avoir le monopole des offres d’emploi, reprendre leur contrôle avant publication ainsi que la gestion de ses ateliers aujourd’hui sous-traités au privé.

 

Lutte contre la précarité

Article 29 du projet de loi

Le gouvernement avait annoncé vouloir lutter contre la précarité dont la multiplication des contrats courts entre un salarié et le même employeur. Au final, le mot « précarité » n’est présent que 3 fois dans les 108 pages du projet de loi… dont 2 fois dans le titre ! Le gouvernement ne s’engage à rien, il demande seulement un « bilan relatif » aux branches professionnelles d’ici 1an (!) avant d’envisager la possibilité de mettre en place un système de bonus-malus sur les cotisations patronales…

LE CNTPEP PROPOSE ET REVENDIQUE :

Le droit au travail, par des emplois stables et correctement rémunérés, qui est également le meilleur moyen de renflouer les caisses de solidarité (dont l’Assurance chômage) : plus d’emplois crées, c’est plus de cotisations sociales pour garantir un droit à l’indemnisation pour tous lorsque l’on est privé d’emploi.

Nous revendiquons l’arrêt des toutes les subventions et exonérations diverses aux employeurs, qui ont bénéficié aux profits et non à l’emploi. Il faut supprimer l’intérim : chaque entreprise doit recruter elle-même ses salariés et cotiser pour le travail effectué ; faire respecter la loi : le CDI à temps plein doit être la norme de contrat de travail, les entreprises devant arrêter de contourner délibérément la loi en organisant la multiplication des contrats courts, répétés, en imposant les temps partiels non choisis… Le CDD ne devant être qu’un contrat exceptionnel et non contraint comme il l’est dans sa très grande majorité aujourd’hui.

 

Formation et mobilité des demandeurs d’emploi

Article 26 (Conseil en Evolution Professionnelle) du projet de loi

Le gouvernement détourne l’Assurance-chômage de sa mission d’indemnisation des privés d’emploi en se servant des cotisations des salariés pour financer les obligations des employeurs, quant à la formation continue et la mobilité professionnelle des salariés. Il se sert notamment pour cela du nouveau dispositif de validation par des opérateurs privés d’un projet professionnel pour chaque démissionnaire, alors que nous avons démontré que la démission était à 73 % contrainte et non le fait d’une mobilité professionnelle choisie.

Par ce biais, il poursuit son projet de casse du service public de la Formation professionnelle, à la fois avec la suppression du Congé Individuel de Formation (pourtant plébiscité par les salariés), la dissolution de l’Agence pour la Formation Professionnelle des Adultes (AFPA)… La CGT a déjà démontré le scandale des instituts de formation bidons, qui se multiplient et que le gouvernement habilite sans aucun contrôle ensuite, et qui s’engraissent sur le dos des privés d’emploi. Non seulement le gouvernement aide le patronat à reprendre la main sur le secteur de la Formation professionnelle, mais il veut utiliser l’argent de la Protection sociale, l’argent des salariés, pour cela !

LE CNTPEP PROPOSE ET REVENDIQUE :

Un droit à une formation librement choisie, financée et diplômante. C’est possible en arrêtant de gaver les instituts bidons : l’argent public ne doit aller qu’au service public de la formation, avec l’AFPA et les GRETA.

Un Nouveau Statut du Travail Salarié, qui garantisse la continuité et la progression des droits sociaux (salaires, ancienneté, qualification) même en cas de privation d’emploi ou de changement d’entreprise ou de branche professionnelle ; au travers d’un système complet de Sécurité sociale professionnelle.

 

Les propositions des chômeurs CGT

pour garantir le droit au travail et à l’indemnisation à tous les privés d’emploi

  1. Des reconquêtes industrielles et des services publics pour garantir réellement le droit au travail
  2. L’arrêt de toutes les subventions et exonérations des employeurs qui n’ont servi qu’aux profits et non à l’emploi ou au financement de la Sécurité sociale.
  3. La suppression de l’intérim et le cdi à temps plein comme norme pour garantir un emploi stable, librement choisi et correctement rémunéré à chacun.
  4. Le droit à l’accompagnement avec un Service public de l’emploi qui respecte sa mission : un réel accompagnement dans notre recherche d’emploi plutôt que la répression.
  5. Une sécurité sociale unique et universelle financée solidairement par la cotisation sociale et gérée par les représentants des travailleurs eux-mêmes ; qui soit une Protection sociale pour tous les travailleurs lorsqu’ils ne sont pas au travail, soit parce qu’ils sont vieux, soit parce qu’ils sont malades, soit parce qu’ils sont au chômage, c’est-à-dire privés d’emploi.
  6. Avec Une 5ème branche de la Sécu pour les chômeurs garantissant le droit à un revenu de remplacement jusqu’au retour à l’emploi, d’un montant de 80 % du SMIC revendiqué par la CGT, soit 1800 euros.
  7. Un Nouveau Statut du Travail Salarié qui garantisse la continuité et la progression des droits sociaux (salaires, ancienneté, qualification) même en cas de privation d’emploi ou de changement d’entreprise ou de branche professionnelle.