Depuis le 4 mars, la lutte contre les décrets Macron d’assurance chômage a pris de l’ampleur, avec l’occupation du théâtre de l’Odéon, et la revendication n° 1 des occupants : Annulation des décrets Macron. Depuis, de très nombreux lieux culturels sont occupés, avec toujours le même mot d’ordre.
Mais cette « réforme » n’est-elle pas juste la continuité de la casse des droits des travailleurs voulue par le patronat et ses valets ? Pourquoi est-ce si important de gagner cette bataille ?
L’ allocation ne serait plus un droit lié au salaire antérieur mais un forfait au bon vouloir du gouvernement
Depuis 1958 l’Unedic gérée paritairement par les représentants des patrons et des salariés détermine le revenu de substitution pour les salariés involontairement privés d’emploi, selon des critères précis : La durée de cotisation, l’âge, et bien sûr le pourcentage du salaire antérieur indemnisé.
En 2018 Macron met la main sur le magot en nationalisant les ressources de l’Unedic.
Puis en 2020 il décide tout seul de la nouvelle convention, contre l’avis de tous les syndicats de salariés.
C’est un véritable séisme pour les travailleurs précaires qui alternent périodes travaillées et les périodes non travaillées :
Désormais les périodes non-travaillées seront prises en compte pour calculer nos droits
Concrètement, si vous alternez 3 mois de travail, 3 mois sans bosser, et 3 mois de travail, on vous ouvrirait (si les décrets passent) 9 mois d’allocations au lieu de 6 mois auparavant, mais pas au même taux.
C’est purement idéologique, et totalement déconnecté de la réalité. Il s’agirait de moins indemniser les chômeurs pour les pousser à retrouver plus vite un emploi. Comme si ça marchait...
Les chiffres de la honte
500.000 allocataires seraient privés d’au moins 204 euros par mois. Soit une allocation moyenne qui passerait de 900 euros à 700 euros, voire moins si vous avez beaucoup de « trous » dans votre activité.
Ce à quoi il faut ajouter 355.000 allocataires qui perdraient eux 61 euros en moyenne.
Salauds de pauvres.
ableau synthétique de l’impact de la modification du calcul du SJR des décrets Macron sur les salariés qui alternent périodes travaillées et périodes sans emploi. Photo prise au Grand Théâtre de Lorient le 20 mars 2021. Source des chiffres : Article du nouvel observateur avec source Unedic.
Le spectre d’un RSA-bis : Quand le revenu devient vital
Le gouvernement a compris que ce nouveau mode de calcul pouvait avoir un effet dévastateur sur les travailleurs et leurs familles, c’est pourquoi il a prévu un « plancher » d’allocation.
Les calculs ci-dessus en tiennent compte.
Le document original ne tient pas compte du « plancher » :
source : Unedic
On s’orienterait donc vers trois types d’allocations d’assurance chômage
- Les allocataires qui perdraient leur emploi stable depuis plusieurs années, et qui ne verraient pas leur allocation changer (sauf les cadres)
- Les précaires qui auraient un RSA-bis de 700 euros voire moins (le fameux « plancher »)
- Les allocataires au RSA qui resteraient avec des revenus de survie, et dont le nombre augmenterait
Ceci dans un contexte de crise sanitaire et sociale sans précédent depuis la seconde guerre mondiale.
Pour passer en force, le gouvernement s’appuie sur la légende urbaine des « chômeurs qui ne veulent pas bosser »
Répéter le même mensonge depuis 35 ans pour en faire une vérité est le mode privilégié des manipulateurs.
- Alors que 22% de la population active pointait au Pôle emploi fin 2019, sans compter les allocataires RSA et AAH, et les découragés non comptabilisés
- Alors que le nombre de demandeurs d’emploi de plus de 50 ans (cat ABC) a doublé en 10 ans
- Alors que le chômage tue chaque année 14.000 personnes
- Alors que les derniers gouvernement se sont acharnés à casser la représentation collective dans l’entreprise, au lieu au contraire exiger la présence de comité d’hygiène, sécurité et condition de travail dans chaque entreprise pour faire diminuer les risques pour la santé et la pénibilité. Nota : les CHSCT ont désormais disparu, remplacés par le CSE
- Alors que le taux de rotation en entreprise frôle les 200% (pour une entreprise de 100 salariés, 200 sont embauchés et débauchés au cours de l’année)
- Alors que de très nombreuses femmes sont victimes de temps partiel imposé, et que globalement elles touchent 25% de moins que les hommes, et qu’elles travaillent plus !
- Alors que la productivité en France a explosé sans que les richesses produites ne soient équitablement réparties
Les chômeurs qui refuseraient de travailler pour des temps partiels, contrats courts, salaires de misère, et conditions de travail déplorables, seraient coupables d’être au chômage, alors que, sur les 27 millions de personnes constituant la population active, 9 millions sont disponibles pour un emploi décent à salaire décent ?
On peut gagner parce qu’on a déjà gagné en 2015
En 2014, alors que tout le monde nous disait « on ne peut pas gagner contre l’Unedic », nous avons pourtant bien gagné sur les droits rechargeables, obligeant l’Unedic à signer d’urgence un avenant, remettant de nombreux allocataires dans leurs droits, via le droit d’option. On a récupéré 200 millions d’euros au passage.
On a retrouvé l’argent magique : De quoi embaucher 6,3 millions de chômeurs tout de suite
Pendant que Macron méprise les travailleurs précaires et veut leur peau, c’est Noël tous les jours pour les grands patrons.
Si l’on prend en compte les niches fiscales en faveur des entreprises et ménages aisés, les mesures déclassées et les niches sociales, on arrive à 191 milliards d’euros par an. De quoi payer 2000 € brut par mois pendant un an pour 6,3 millions de travailleurs.
Sans compter la fraude fiscale et sociale des employeurs (120 milliards quand même). Qu’il serait peut-être bon d’aller chercher en créant des postes d’enquêteurs spécialisés, au lieu de pourrir la vie à ceux qui tentent de survivre et qui se retrouvent à payer des indus CAF ou Pôle emploi exhorbitants.
Rappelons que la « fraude au prestations sociales » dont on entend régulièrement parler existe bien, mais elle ne représente que 0,2% des prestations versées, soit moins d’un milliard d’euros par an.
Pas de retour à l’anormal
La CGT est signataire de l’appel « Plus jamais ça ! Construisons ensemble le jour d’après », avec entre autres la FSU, Solidaires, Attac et Greenpeace pour défendre ensemble des mesures urgentes et de long terme pour la justice sociale et climatique.
Car au-delà d’une victoire pour les droits des travailleurs indemnisables par Pôle emploi, nous nous inscrivons bien sur une lutte sur le long terme pour se réapproprier des moyens pour réfléchir et agir pour un « monde d’après » qui ne soit pas le retour à l’anormal.
Ce dont ne parle pas cet article
Pour se focaliser sur la mesure la plus injuste des décrets Macron, celle qui vise les plus précaires à qui personne ne propose d’emploi décent et stable depuis des années, nous n’avons ici pas voulu aborder d’autres mesures tout aussi injustes : L’allongement de la durée de travail pour ouvrir et recharger des droits et la dégressivité. Le gouvernement prévoyant de conditionner ces mesures à une baisse du chômage, mais seulement en catégorie A et une augmentation des embauches.
Nous sommes bien sûr contre ces mesures qui ne répondent en rien aux besoins des travailleurs.
Et la très faible contribution des employeurs à l’abus de CDD prévue en 2022 ne changera pas rien à leurs pratiques abusives qui plombent les comptes de l’assurance chômage.
Pour plus de détails sur l’historique de l’attaque contre l’assurance chômage, lire les articles de Rapports de force détaillés sur le sujet.