Les travailleurs en situation de handicap sont les plus exposés au risque du chômage et devraient donc, en conséquence, être le mieux épauler par France travail tant en terme d’accompagnement que de formation.
Deux témoignages de travailleurs nous donnent à penser que le service public de l’emploi n’est pas à la hauteur et dévoilent les conséquences désastreuses des politiques menées par le gouvernement !
Témoignage de G.L
Je me permets de vous contacter pour vous faire part des difficultés que rencontrent les personnes souffrant de handicap et en recherche d’emploi.
Je vous partage une expérience personnelle mais qui est commune à beaucoup de personnes.
Je bénéficie d’une orientation professionnelle vers le marché du travail qui m’a été attribuée par la MDPH en Novembre 2022. J’ai également une RQTH et l’AAH différentielle.
Mes problèmes de santé étant incompatibles avec un emploi salarié en entreprise, j’ai repris une formation pour exercer en indépendante à mon rythme. C’était la seule solution pour moi actuellement afin de pouvoir conserver une activité professionnelle et des projets.
Il existe effectivement sur le papier de nombreuses aides, des accompagnements sur lesquelles peuvent intervenir des associations en partenariat avec l’AGEFIPH comme l’ARCAT par exemple, des financements de formations, d’aides techniques etc. France Travail a également des conseillers « CAP EMPLOI » qui sont dédiés à suivre uniquement les personnes souffrant de handicap. Néanmoins, c’est une belle façade qui cache bien des difficultés parfois (souvent) graves qui font que c’est un véritable parcours du combattant quand on est une personne atteinte de handicap essayant de retrouver une activité professionnelle.
Cela fait plus d’un an maintenant que je suis dans ce parcours et j’arrive à la fin de ma formation.
Depuis la prise de contact et l’ouverture de mon dossier, j’ai rencontré d’énormes difficultés de communication avec les services de France Travail.
Le début de ma formation était début Octobre 2023. J’ai entamé les démarches de demande de financement à partir de Juillet 2023. J’ai dû me battre pour qu’une personne prenne en charge mon dossier. J’ai eu plusieurs réponses, me disant qu’il y avait le temps ou qu’il fallait que j’attende le retour de ma conseillère. Seulement, étant bien consciente que ce n’était pas si simple, j’ai insisté et c’est finalement la responsable du service Cap emploi qui a pris en charge mon dossier parce que je n’ai rien lâché et j’ai réussi à être convaincante. Heureusement parce que finalement le temps que mon dossier soit étudié en commission avec les congés d’été le timing s’est avéré être juste.
Malgré cela je n’étais pas au bout de mes peines. En effet, il me restait encore quelques mois de droits ARE, pas suffisamment pour couvrir toute la formation qui devait démarre le 9 octobre 2023 pour finir le 12 Juillet 2024.
Au départ on m’a proposé de mettre en pause mon ARE pour mettre en place un RFPE.
Finalement fin Août on me l’a refusé car pour avoir le RFPE il faut avoir épuisé tous les droits ARE avant de rentrer en formation.
On m’a dit de renouveler ma demande de RFPE en décembre 2023 juste avant la fin de mes droits ARE (début janvier). On m’a accordé un RFPE d’un certain montant, j’ai reçu un courrier quelques jours après ma demande en décembre. J’ai envoyé de suite ce courrier à la CAF pour les tenir au courant de ma situation et afin qu’ils puissent faire le nécessaire par rapport au calcul de mon AAH (je reviendrai un tout petit peu plus tard dessus car j’ai eu aussi des problèmes avec l’AAH à partir de mon entrée en formation).
Finalement en Janvier, je ne vois rien arriver concernant mon RFPE. Fin Janvier je m’inquiète, car je vois bien apparaitre le reliquat d’ARE dans les paiements prévus pour début Février mais pas de RFPE. Je fais des réclamations sur le site, j’envoie des mails à tous les contacts que j’ai, j’appelle le service indemnisation… etc. Le service indemnisation me dit par téléphone qu’ils ne voient pas où est le problème qu’il faut que j’attende début février et je verrai bien ce que j’aurais. Finalement, après avoir remué ciel et terre, on m’informe qu’en réalité je n’ai pas droit au RFPE. De plus, mon dossier était dans un « bordel sans nom » dans leurs outils informatiques d’après la responsable du service de formation. Les responsables se sont réunis et ont mis de l’ordre dans mon dossier avant de le faire remonter à la direction régionale (ou départementale je ne sais plus ). Là on m’a accordé un RFF exceptionnellement car normalement, il est accordé uniquement pour les métiers sur la liste des métiers en tension. La CAF ne comprend pas, ils ne récupèrent pas les bonnes informations et me demandent un courrier d’annulation du « RFPE ». Chose que je n’obtiens pas de Pôle Emploi / France Travail car ils me disent que je n’avais pas droit au RFPE donc ils ne pouvaient pas me faire de courrier d’annulation dans la machine. C’est une galère pour réussir à remettre les choses à plat avec la CAF mais je finis par y arriver.
Côté France Travail, on m’accorde donc un RFF de 723 euros soit le maximum attribué aux personnes valides. Je demande si ma RQTH a bien été prise en compte, on me soutient que oui.
Le RFF se met en place, et le trimestre suivant, je suis en difficulté car mon AAH n’est pas recalculé tout de suite en fonction de ce montant. J’ai un peu moins de 300 euros d’AAH.
A partir de Juin, l’AAH est recalculé, à 487 euros.
Début Juin, je tombe en bas de chez moi et je me blesse. Suite à tous les problèmes administratifs que j’ai eu pendant l’année, en plus de ma formation je suis épuisée. Impossible de prouver que cet accident est lié bien sûr, mais je pense sincèrement que mon état de fatigue et de santé générale y a joué. J’ai une entorse de la cheville gauche grave avec 2 ligaments en ruptures totales qui n’est pas diagnostiquée de suite. Aux urgences ils m’ont soigné d’abord pour une entorse de cheville « simple » pour laquelle on me donne simplement de la crème anti inflammatoire, un bandage et des anti douleurs. Au rendez – vous de contrôle quinze jours après, on me prescrit une IRM en urgence car le médecin ne trouve pas mon état normal et me prescrit également une attelle pour immobiliser ma cheville. Je passe l’IRM fin Juin et là on me dit que c’est une entorse grave et c’est là qu’on m’annonce la rupture des 2 ligaments. Je vois le chirurgien début Juillet qui m’annonce 6 mois de rétablissement. J’aurais dû avoir de suite une immobilisation totale pour 6 semaines avec une botte et pas de simples bandages. Je vous explique cela car sur le coup, pensant que c’était une entorse « simple » je pensais pouvoir finir ma formation malgré tout dans les temps.
Je devais finir ma formation le 12 Juillet mais dans l’état où je suis c’est impossible. Je n’ai pas accepté d’arrêt maladie début Juillet car ma conseillère de l’ARCAT m’avait dit que j’avais le droit de demander une prolongation pour ma formation si mon centre de formation était d’accord également, notamment dans la mesure où j’ai déjà des problèmes de santé pour lesquels j’ai une RQTH.
Je fais la demande de prolongation à Cap emploi et mon centre de formation fin Juin à partir du moment où j’ai un diagnostique plus clair.
Mon centre de formation accepte de me basculer dans la session suivante, donc j’ai désormais jusqu’au 11 Octobre pour finir la formation, tenant compte des congés d’été des formatrices du 13 Juillet au 30 Août. A ce moment là de leur côté, il n’y a pas de souci, on est début Juillet, normalement tout aurait dû se passer sans difficulté.
A Cap emploi, c’est de nouveau la responsable du service qui s’occupe de mon dossier. Là c’est un jeu de ping pong entre le centre de formation et cap emploi avec moi pour intermédiaire entre les 2. En effet, Cap emploi ne prend pas les coordonnées des centres de formation pour discuter avec eux… et personne ne sait comment faire la prolongation techniquement.
La responsable de cap emploi me met même la pression pour que le nécessaire soit fait par le centre avant le 12 Juillet alors que de mon côté, je n’y suis pour rien car je suis juste l’intermédiaire pour faire passer les informations d’un interlocuteur à l’autre par mail. Au final il aura fallut un mois d’échanges compliqués pour réussir à ce que tout soit fait administrativement. Je vous passe les détails, mais je n’ai pas trouvé normal qu’on me reproche aussi de ne pas avoir fourni d’arrêt maladie alors que la grande majorité des cours sont sur une plateforme en ligne, je suis les cours à mon rythme à distance et avec la prolongation je pouvais m’organiser pour faire les exercices pratiques un peu plus tard. J’ai vraiment besoin de finir cette formation pour pouvoir faire la création d’entreprise et pouvoir démarrer une activité professionnelle. J’avais aussi un certificat de mon médecin et de la psychologue du travail qui me suivent pour valider cette demande de prolongation.
Je demande ensuite si le RFFT sera prolongé jusqu’en octobre à la fin de la formation. Ma conseillère de retour de son absence se renseigne auprès du service indemnisation et me dit que « je percevrai le RFPE jusqu’à la fin de ma formation ». Je lui demande si elle ne fait pas erreur car je n’ai pas droit au RFPE et que je suis très étonnée. Elle me répond qu’effectivement ce n’est pas le RFPE mais j’aurai droit au RFFT du 31 Août jusqu’au 11 octobre. Elle me renvoie vers la CAF pour demander à ce que mon AAH soit recalculée en conséquence. C’est un exemple, mais c’est toujours comme ça, il faut contrôler en permanence toutes les informations qu’on nous donne en espérant qu’on nous réponde et en faisant fi du fait qu’on nous prend pour des « emmerdeurs ».
Je contacte la CAF et là on me répond par la négative. Ils fonctionnent par trimestre donc mon AAH ne sera réévaluée que le trimestre suivant (de combien, impossible de le savoir avant le dernier moment bien sûr).
C’est à dire que je me retrouve avec 487 euros pour vivre pour le mois de septembre.
Alors effectivement je suis en cours de démarches pour demander des aides aux services sociaux mais en attendant, ce qu’il faut retenir c’est que je me retrouve en grande difficulté à cause de cette histoire de formation.
Le parcours est tellement épuisant que j’ai vu ma santé se dégrader très nettement (constaté également par les soignants qui me suivent). Je ne lâche pas car j’ai la chance d’être bien entourée moralement par mes proches, par ma psychologue du travail et les soignants qui me suivent. Sans eux, je pense que j’aurais abandonné depuis longtemps, et surtout je me serai sûrement retrouvée à la rue, car c’est vraiment extrêmement difficile sur absolument tous les plans.
Certaines personnes abandonnent d’ailleurs.
Je ne vous ai pas parlé des délais extrêmement longs pour obtenir les aides agefiph afin de pouvoir financer le matériel de compensation, la lourdeur des démarches administratives, etc.
D’ailleurs, je vous interpelle également sur le fait que l’AGEFIPH a diminué ou suspendu des aides du 1 er Août jusque fin Décembre 2024 car ils ont eu un « imprévu budgétaire ».
Le taux de chômage des personnes en situation de handicap est de 12 %. Ce sont pour la majorité des chômages de longue durée, parce qu’il est beaucoup plus compliqué de trouver un emploi adapté quand on souffre de handicap. D’abord parce qu’on n’est pas sur la même temporalité que les personnes valides, mais aussi parce que l’accompagnement n’est pas adapté.
Ensuite, quand on est en formation comme moi, notre AAH baisse car on est considéré en reprise d’activité, les calculs ne sont pas les mêmes par rapport à une situation de chômage sans formation. (Je n’ai jamais réussi à trouver les textes, ni à avoir les formules de calculs mais les abattements sont beaucoup moins importants). J’estime à environ 250 euros d’aides en moins parce que j’ai repris une formation par mois. Sur une somme inférieure au SMIC pour vivre je vous assure que c’est énorme.
Je vous interpelle donc également sur ces points : il n’existe pas de règles d’indemnisation différentes pour les personnes souffrant de handicap. Les durées et les calculs sont les mêmes pour l’ARE. Pour le RFFT, le calcul peut être un peu plus avantageux pour les personnes souffrant de handicap mais cette indemnisation couvre uniquement la période de formation. Autrement dit, si on a des périodes de creux, à nous de nous débrouiller pour vivre d’amour et d’eau fraîche…
Le parcours pour réintégrer le marché du travail pour les personnes atteintes de handicap n’est pas du tout sécurisant sur aucun point, que ce soit pour l’accompagnement, la communication avec les différents services, l’indemnisation. La situation est plus que précaire. On se demande chaque mois avec quoi on vivra le mois prochain et quand est ce que tout cela va s’arrêter.
C’est littéralement un cauchemar sur de longs mois durant. Pour ma part, j’avais besoin d’une formation de moins d’un an, mais je pense sincèrement que si une personne a besoin d’une formation plus longue c’est encore moins faisable.
Je vous passe aussi les interventions déplacées de certains conseillers ou certaines conseillères mais je vais vous donner un exemple. Je me suis notamment retrouvée en face d’une conseillère Cap emploi qui a remis en question les compétences des médecins qui me suivent et a quand eu le culot de me dire qu’en faisant des abdos ça irait mieux. On doit effectivement faire face à tout cela également. On nous fait également remarquer ou sentir régulièrement qu’on n’a pas à se plaindre car on a déjà de la chance d’avoir des aides.
Témoignage de F.M
Je suis en situation de handicap visuel et France – Travail ne tient pas compte de mon handicap et m’envoie régulièrement des offres d’emploi pour devenir conducteur de train (alors que je ne peux pas conduire bien sûr) ou m’envoie des offres de jobdatings de sport. Bien sûr cela peut prêter à sourire mais ça ne me fait pas rire du tout et ça me blesse profondément et me choque bien sur.