Indus et trop-perçus : systématiquement les contester
Indus et trop-perçus : systématiquement les contester
Fiche mise à jour Avril 2020
Une actualisation inexacte, c’est à dire trop ou pas assez d’heures déclarées, non-déclaration des arrêts-maladies, des jours de formations amène forcément à un indu/trop-perçu. Voir la fiche Blocage des allocations.
Néanmoins, le système d’actualisation n’est pas adapté aux travailleurs multi-employeurs, il y a un décalage entre la déclaration mensuelle et les bulletins de salaire transmis à Pôle Emploi, sans qu’il n’y ait d’erreur du salarié, ni d’omission ou d’absence de déclaration de sa part. Les indus concernent principalement cette catégorie de travailleurs, voir ci dessous.
La politique du « fil de l'eau »
Le logiciel de calcul des droits (algorithme de Pôle Emploi) impose aux travailleurs multi-employeurs de déclarer de façon précise l’intégralité de leurs heures travaillées et remettre en une seule fois tous les bulletins de salaires établis par leurs employeurs. Or, c’est impossible pour eux, et de fait, cela génère pour eux des trop-perçus. A défaut d’instructions en ce sens, ils remettent chaque bulletin de salaire dès qu’ils le reçoivent. Le premier bulletin saisi déclenche un paiement et chaque bulletin de salaire suivant, un indu. C’est la politique « du fil de l’eau » : Pôle Emploi modifie la situation du demandeur d’emploi au fil de la réception des informations, ce qui crée une instabilité, des blocages, des envois répétés de demandes de justificatifs, des doublons…
Les deux tiers des indus et trop-perçus concernent les travailleurs les plus précaires
Les indus glissants constatés par Pôle Emploi d’août 2016 à juillet 2017 se montent à 1,043 milliard d’euros, soit 2264435 notifications, c’est-à-dire autant de coups au cœur pour les chômeurs qui reçoivent ces courriers. Sur ce milliard d’euros, 648 millions (1503582 de notifications) sont définis par l’UNEDIC comme conséquence d’un cumul entre activité salariée et revenu de remplacement : assistances maternelles, auxiliaires de vie, services à la personne, formateurs, intermittents du spectacle, agents de service, intérimaires…
Pôle Emploi doit envoyer un courrier appelé notification de l’indu à l’allocataire concerné. Ce courrier doit préciser le montant de l’indu, le motif de celui ci, la période concernée mais aussi les différentes façons de le rembourser et les différentes voies de recours.
Un courrier incomplet est entaché d’irrégularité permettant l’annulation de la procédure pour vice de procédure car un défaut d’information empêche l’allocataire de se défendre correctement. Le plus fréquent est l’absence de précision sur le motif de l’indu pour chaque période travaillée (exemple : sur la période X, un cumul entre salaire et allocation chômage dépassant le plafond de cumul).
Pôle emploi impose des délais de 15 jours pour faire une contestation, demander un échelonnement… alors que les délais légaux sont de 2 mois à compter de la réception du courrier.
Toute saisie sur allocation sans envoi de la lettre de contrainte est illégale. Toute saisie sur allocation dépassant le montant des quotités saisissables est aussi illégale. Voir ci-dessous.
Si en cours de procédure le motif de l’indu change, cela constitue un vice de procédure annulable devant le tribunal administratif (TA Melun le 19/09/19).
Sans suspicion de fraude, Pôle Emploi ne peut réclamer un indu au-delà d’une période de 3 ans. Seule une condamnation du tribunal pour fraude avérée peut porter la prescription à 10 ans.
Quotités cessibles et saisissables
En cas d’indus/trop-perçus, le Code du travail détermine le montant maximum du salaire pouvant être saisi pour rembourser la dette. Si les allocations chômage sont assimilées à du salaire, aucune retenue n’est possible sur les aides sociales de l’Etat (ASS, AAH, prime d’activité…). Le plafond de ressources déterminant le montant de la quotité cessible et saisissable s’applique à tous les revenus hors aides sociales. Si le plafond saisissable est variable selon les revenus, le seuil minimal en dessous duquel on ne peut rien saisir est fixé à 559,74 € (c’est le montant du RSA).
Voir la fiche complète avec le tableau des quotités saisissables
En premier lieu, il faut exiger le détail des sommes réclamées et de leur(s) motif(s), il est important de comprendre avant d’agir. Deuxièmement, il est essentiel de ne signer aucun document, sous aucun prétexte, avant d’avoir contacté la CGT. Tout document faisant suite à un indu/trop-perçu signé par le privé d’emploi vaudra systématiquement reconnaissance de dette, même si le motif est contestable. Enfin, il faut contester par courrier dans les dix jours à partir du jour de réception de la notification.
Cette contestation bloquera toute possibilité de retenue sur allocations :
Article L5426-8-1 du Code du Travail :
« Pour le remboursement des allocations, aides, ainsi que de toute autre prestation indûment versées par Pôle emploi, […] Pôle emploi peut, si le débiteur n’en conteste pas le caractère indu, procéder par retenues sur les échéances à venir dues à quelque titre que ce soit, à l’exclusion des allocations mentionnées au deuxième alinéa du présent article. »
Courrier-type de contestation
« X s’est toujours actualisé à temps et vous a toujours envoyé les fiches de paie de ses différents employeurs (pièce jointe comprenant l’actualisation et l’envoi des fiches de paie). Ces différents éléments attestent de la bonne foi de X. Par conséquent, l’erreur n’étant pas de la responsabilité de X, nous contestons l’indu et vous demandons de l’annuler ».
Les indus sont souvent provoqués par des erreurs de saisie d’un sous-traitant, de l’automate ou d’un patron qui remplit mal l’attestation employeur.
Alors que les demandeurs d’emploi peuvent contester le trop-perçu, les conseillers ont instruction de leur faire signer des échéanciers à tout prix. Ce faisant, ils ne respectent pas leur obligation d’information.
En effet, le premier réflexe après un courrier de demande de remboursement d’indu est de venir demander des explications en agence. Sans répondre à leurs demandes, les conseillers incitent à signer une demande d’effacement ou d’échelonnement de la dette, sans informer que ce formulaire vaut une reconnaissance de dette.
Le dossier est ensuite transmis par Pôle Emploi à l’Instance Paritaire Territoriale (50% de représentants des Organisations Patronales, 50% des Organisations Syndicales), qui ne statue pas sur la justesse ou la réalité de la dette mais sur la solvabilité du demandeur d’emploi et sur l’intensité de sa recherche d’emploi. Ce qui conduit l’instance à n’effacer très souvent que la moitié de la dette indépendamment de la situation sociale et du motif de l’indu.
Un pourcentage très élevé de privés d’emploi accepte cette transmission aux IPT dans l’angoisse de suspension de leur revenu ou de saisie de leur allocation, sans mesurer qu’ils ne pourront plus ensuite, en contester le bien fondé. La plupart n’ont aucune conscience qu’ils peuvent la contester.
La procédure contentieuse est déconnectée de la procédure de recours gracieux : deux mois après le courrier demandant le remboursement de l’indu, la procédure de recouvrement démarre : le système informatique déclenche des courriers types à date d’échéance de relance ou de mise en demeure, avec des motivations types.
La demande de remise gracieuse n’est pas suspensive de la procédure de recouvrement. Cette procédure de recouvrement peut être très éprouvante (allant jusqu’à des SMS d’huissier).
Les travailleurs privés d’emploi ayant été en arrêt maladie ou ceux percevant depuis peu une pension d’invalidité de catégorie 2 sont aussi une importante source d’indu à cause du délai entre le versement de la pension ou des ISS (indemnités sécurité sociale) et le moment où Pôle Emploi sera averti.
Action : accompagnement du privé d’emploi en agence pour exiger l’effacement total de l’indu. Différents motifs peuvent être invoqués : double peine car enchaînement de contrats précaires générant des indus, sous-traitance du traitement des salaires par des prestataires privés (TESSI, ARVATO), situation sociale ne permettant pas d’échelonner le remboursement de l’indu. Voir tableau des quotités saisissables.
Une occupation de l’agence ou de la direction régionale peut également débloquer la situation.
Délégations d'admission en non-valeur
Il faut que le privé d’emploi soit accompagné en agence par la CGT et demander au Pôle Emploi de transférer la demande au directeur correspondant. Exiger une trace écrite.
BULLETIN OFFICEL DE PÔLE EMPLOI (bo-pole-emploi.org )En combinant l’ensemble de ces arguments et la mobilisation militante, il est presque toujours possible de gagner l’effacement partiel ou total d’un indu.
Par la suite, il est toujours possible de saisir le médiateur régional de Pôle Emploi qui rend des décisions « en équité », parfois dérogatoires à la réglementation, notamment quand celle-ci a des conséquences sociales trop visibles ou si la médiation estime qu’il y a un risque que le demandeur se suicide (critère de tri de la médiation pour fixer l’ordre de traitement des dossiers).
La saisine du médiateur ne peut intervenir qu’une fois la première contestation refusée. Sa décision est à titre indicatif mais Pôle Emploi s’y conforme toujours : sa décision termine le processus de recours gracieux dans tous les cas.
En cas de réponse négative du médiateur, il reste la possibilité de saisir le tribunal administratif avec un recours pour « excès de pouvoir ». Cette procédure est longue et coûteuse et souvent défavorable au privé d’emploi. Dans tous les cas, privilégier un avocat militant habitué est vivement conseillé.