1er Avril : les raisons de la colère

Le 26 juillet 2019, le gouvernement a publié un décret en plein cœur de l’été pour sabrer l’indemnisation des chômeurs de 6 milliards d’euros en trois ans.
Ce que le gouvernement appelle la « réforme » de l’assurance chômage est en réalité un coup de force pour faire main basse sur notre salaire indirect, en contournant les partenaires sociaux.

 

Le décret du 26 juillet attaque les droits des chômeurs en deux temps : le 1er novembre 2019 et le 1er avril 2020.

  • Le 1er novembre 2019, le gouvernement a augmenté la période nécessaire pour l’ouverture de droits de 4 mois à 6 mois. Il a allongé le rechargement des droits de un mois à 6 mois, le supprimant de fait. Il a réduit la recherche de périodes d’affiliation de 28 à 24 mois, réduisant ou retardant l’indemnisation de 750 000 personnes. Et il a instauré une dégressivité de 30 % au bout de 6 mois de l’indemnisation des cadres dont le salaire brut est supérieur à 4 500€.
  • Le 1er avril 2020, c’est la deuxième partie de l’attaque. Le gouvernement modifie unilatéralement la formule de calcul des allocations, pour faire baisser l’indemnisation des salarié.e.s de 22% en moyenne et jusqu’à 75% pour certains seniors.

 

La clé de la baisse de l’indemnisation, c’est la modification de la formule de calcul du salaire journalier de référence (SJR).

Qu’est-ce que le salaire journalier de référence (SJR) ?

Actuellement, le SJR est l’ensemble des salaires sur la période de 12 mois précédent le dernier contrat de travail, divisé par le nombre de jours travaillés sur cette période, dite période de référence de calcul. L’allocation journalière est calculée à partir du SJR (le plus favorable entre 57 % du SJR ou 40,4 % du SJR + 12€).

Que change le décret ?

Il étend la période de référence du calcul aux 24 mois (36 mois pour les plus de 53 ans) précédent la fin du dernier contrat.
Et il divise l’ensemble des salaires de la période de référence de calcul par tous les jours calendaires entre le premier et le dernier jour de contrat sur cette période de référence de calcul, alors qu’avant ils n’étaient divisés que par les jours effectivement travaillés.

A – Cette modification de la règle de calcul a des conséquences immédiates :

1 – Pour les salariés en emploi discontinu (CDD, intérimaires, saisonniers, …) la modification de la règle de calcul entraîne une baisse importante de leur allocation, puisque la même somme globale est divisée par un nombre de jours beaucoup plus important qu’avant.

Graphique p. 16 de l’étude d’impact Unedic – voir en fin d’article

Et comme la baisse du SJR s’accompagne de l’allongement de la durée du droit, non seulement, les salarié.e.s en emploi discontinu seront beaucoup plus pauvres, mais ils le seront beaucoup plus longtemps.
Alors que les salarié.e qui ont 4 mois de travail – continu ou non – sur les 28 derniers mois ont droit en convention 2017 à une indemnisation pleine sur 4 mois, à partir du 1er avril, les saisonniers, qui ont des contrats de 4 mois l’hiver et de 2 mois l’été seront victimes de double peine, entre le passage de 4 mois à 6 mois pour ouvrir des droits et la modification du diviseur de la formule de calcul.

2 – L’extension de la période de calcul de référence de 12 à 24 mois (36 mois pour les seniors) va peut-être inclure dans le calcul du SJR des CDD ou des missions d’intérim de quelques semaines ou de quelques jours deux ou trois ans plus tôt qui démarreront le compteur du nombre de jours du diviseur, faisant durablement chuter leur indemnisation.
Les jeunes qui s’inscrivent pour la première fois au chômage mais qui ont fait des petits jobs pendant des vacances, les plus de 50 ans licencié.e.s 3 ans plus tôt d’un CDI, qui ont fait une mission d’interim ou une vacation après leur licenciement, seront forcément impacté.e.s par cette mesure.

B – La modification de la formule de calcul a aussi des effets à retardement qui concernent tous les chômeur.se.s indemnisé.e.s.

1 – Les 2 millions de personnes qui travaillent en activité réduite, c’est-à-dire celles qui ont des temps partiels ou des contrats inférieurs à un mois, peuvent cumuler leurs allocations chômage avec des salaires dans la limite d’un plafond égal au salaire mensuel de référence (l’allocation journalière * le nombre de jours du mois).
Au-dessus de ce plafond, elles sont certes indemnisables, c’est-à-dire qu’elles ont un droit ouvert, mais elles ne sont pas indemnisées ce mois-là.
Qui plus est, le nombre de jours indemnisés dans un mois est fonction du rapport entre le salaire perçu pendant ce mois et l’allocation mensuelle selon la formule :
allocation mensuelle Pôle Emploi – 70 % du salaire brut du mois / allocation journalière.
Donc plus l’allocation mensuelle est basse, plus vite le second plafond de 70 % du salaire brut est atteint quand la personne retravaille.
Dans ces deux cas, les personnes ne toucheront pas un centime d’allocation dans le mois, tout en étant comptabilisées par le gouvernement comme bénéficiaires de l’allocation chômage.
Et comme la durée du droit s’allonge, elles seront dans la misère plus longtemps.
Actuellement, seul.e.s 43 % des chômeur.se.s inscrit.e.s à Pôle Emploi sont indemnisé.e.s, alors que 63 % sont indemnisables . Avec la modification du salaire de référence, le nombre de chômeur.se.s indemnisables mais non indemnisé.e.s va exploser.

2 – Enfin, les salarié.e.s indemnisé.e.s qui reprennent un contrat seront totalement fragilisé.e.s face à la discrimination à l’embauche. Une pige, une vacation, des missions d’interim, des CDD de moins de 24 mois, la rupture d’une période d’essai par l’employeur, auront tous pour conséquence de faire baisser l’indemnisation à la prochaine ouverture de droits. Alors que ce sont les personnes les plus discriminées à l’embauche sur lesquelles pèseront les plus grosses menaces de radiation pour insuffisance de recherche d’emploi.
Le gouvernement utilise une novlangue digne d’Orwell pour masquer qu’il s’attaque aux revenus des salarié.e.s les plus précaires : le décret utilise abusivement le terme de « permittent » pour nommer les salarié.e.s en emploi discontinu. Alors qu’un permittent, c’est exactement le contraire : un.e salarié.e qu’un employeur embauche en statut précaire sur un emploi stable.

Ne nous laissons pas faire. Ce n’est pas à nous de payer les conséquences du sous-financement de certains secteurs comme la culture ou la recherche, ou de la précarisation du travail que les employeurs nous imposent.
A partir du 1er avril, tout employeur qui publie une offre de moins de 6 mois à temps plein doit être sanctionné, car il condamne sciemment un chômeur à la misère : 431€ par mois pour plusieurs dizaines de milliers d’entre eux.
Bloquons l’application du décret du 26 juillet 2019.
Gagnons par nos luttes l’indemnisation de toutes les formes de chômage à 100% du salaire perdu et au minimum au SMIC.

Sources :
Note d’impact de l’Unedic sur la réforme de l’Assurance-chômage de 2019   Télécharger en PDF
  https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2064
  https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F14860