Réforme de l’Assurance-Chômage : des conséquences assassines

Première conséquence : le montant des Allocations réduit à peau de chagrin pour 1.15 millions de travailleurs précaires

Le montant de nos allocations chômages (AJ) est calculé à partir du Salaire Journalier de Référence (SJR). Pour les salariés dont le salaire mensuel brut est inférieur à 2200 euros : AJ = 40,4% SJR + une partie fixe (de 12,05 euros). Pour les salariés dont le salaire est supérieur à 2200 euros : AJ = 57% SJR

De 1958 à la convention 2017, le SJR (salaire journalier référence) correspondait à la moyenne de ce qu’un salarié percevait lorsqu’il était en emploi : les salaires divisés par les jours d’emploi afférents à ces salaires (SJR = Salaires / Jours Travaillés).

Avec le décret du 26 juillet 2019, le salaire journalier de référence correspond au rapport entre l’ensemble des salaires observés sur les 24 mois précédant le chômage et, au diviseur, le nombre de jours calendaires compris entre le premier et le dernier jour d’emploi au cours des 24 (ou 36 pour les plus de 53 ans) mois précédant le chômage. Autrement dit, le diviseur comprend tous les jours de chômage compris entre le premier et le dernier emploi (SJR = Salaires / Jours travaillés + chômés).

Cette formule a été censurée par le Conseil d’État, le 25 novembre 2020, car susceptible « pour un même nombre d’heures de travail, de varier du simple au quadruple en fonction de la répartition des périodes d’emploi ». Il pouvait par conséquent en résulter « une différence de traitement manifestement disproportionnée au regard du motif d’intérêt général poursuivi». En réponse, le décret du 30 mars 2021 institue un mécanisme visant à limiter à rendre moins disproportionnées ces inégalités de traitement liées au calcul du SJR : un «plancher de 57% » du SJR est assuré par l’introduction d’un plafond dans le diviseur du SJR.

En d’autres termes, le temps de chômage pris en compte dans le diviseur du SJR ne peut pas représenter plus de 43% du temps total (temps entre le 1er et le dernier jour d’emploi inclus dans les 24 mois).

 

décret assurance chômage du 30 mars 2021

Exemple :

 

conséquences réforme assurance chômage

Dans cet exemple, l’introduction du plancher réduit la baisse des droits de 373 euros à 289 euros…  mais c’est toujours 3468 euros de volé sur une année !

Et le plancher sensé protéger des traitements jugés disproportionnés par le Conseil d’État (c’est-à-dire de 1 à 4) peut s’avérer totalement inefficace selon la date de début du contrat. Les cas A (bis) et B (bis) sont identiques aux cas A et B en décalant le CDD de 14 jours (du 14 au 13 mai)

baisse d'allocation chômage

 

Entre ces deux salariés qui ont exactement les mêmes salaires, les mêmes emplois, qui sont au chômage en même temps aux mois d’avril et de mai 2022, le seul ordre de la séquence emploichômage dans la période de référence entraîne une inégalité de traitement du simple au quadruple, soit exactement le niveau jugé « disproportionné » par le Conseil d’État dans le même contexte (de répartitions différentes des périodes d’emploi dans la période de référence)

Pour les travailleurs précaires, c’est la double-peine puisque la réforme prévoit de calquer la Période Référence d’Affiliation (PRA) sur la Période Référence de Calcul (PRC) : la durée de l’indemnisation sera égale au nombre de jours (travaillés et chômés) du premier au dernier contrat pris en compte pour le calcul. Pour le travailleur du Cas B (Bis) son indemnisation sera d’un montant de 219€ pour une durée d’un an !

 

Malgré plusieurs reculs gagnés par de multiples recours au Conseil d’État et à la lutte engagée par les travailleurs privés d’emploi précaires, intermittents du spectacle et de l’emploi : le nouveau mode de calcul est entré en application au 1er Octobre 2021 et impactera toutes celles et tous ceux dont les fins de contrats sont postérieures à cette date !

A noter : en raison de la crise sanitaire, la période de référence servant au calcul des allocations chômages a été allongée du nombre de jours compris entre le 1er mars 2020 et le 31 mai 2021 et entre le 30 octobre 2020 et le 30 juin 2021. Cet allongement peut avoir des conséquences néfastes sur votre indemnisation puisqu’il aggrave les mécanismes analysés ci-dessus. Si vous pensez en être victime : prenez contact avec nous et solliciter le médiateur national de Pôle-Emploi (mediateur.national@pole-emploi.fr).

Deuxième conséquence : des ouvertures ou rechargement de droits refusées pour toutes celles et tous ceux qui ont travaillé moins de six mois

Sous la convention 2017, il fallait avoir travaillé 610h ou 4 mois pour pouvoir ouvrir des droits à l’Assurance-Chômage et avoir travaillé 150h pour les recharger.

Avec le décret du 26 juillet 2019, le temps de travail nécessaire pour ouvrir ou recharger des droits va passer à 910h ou six mois. Entrée en application à compter du 1er Décembre, cette nouvelle règle va priver – dès la première année de mis en œuvre – plus de 600 000 travailleurs précaires !

Cette mesure est déjà entré en application du 1er Novembre 2019 au 1er Août 2020 avant d’être partiellement annulé. Elle a entrainé un rejet de plus de 800 000 demandes d’ouvertures de droits et a fait basculé des centaines de milliers de travailleurs précaires dans l’enfer des minimas sociaux !

En 2021, près de 15 millions de contrats de moins d’un mois ont été signés et représentent 64% des embauches réalisées !

Une autre réforme est nécessaire

Si l’Assurance-Chômage a été fondée en 1958, c’est pour protéger les travailleurs de la privation d’emploi et de la précarité. La réforme du gouvernement rompt totalement avec ce double objectif :

  • Plus les travailleurs auront un risque de chômage élevé (CDD, intérim, vacations) et moins ils auront la possibilité d’être indemnisés
  • Plus les travailleurs auront un rythme de travail court (emploi discontinue, temps partiel) et plus leur niveau d’indemnisations sera faible

Alors que déjà, seul 40% des chômeurs étaient indemnisés au titre de l’Assurance-Chômage et que plus de la moitié des allocations étaient inférieures au seuil de pauvreté, le gouvernement prévoit de supprimer ou réduire l’indemnisation de près de 60% des allocataires.

Nous revendiquons l’annulation de cette réforme assassine et exigeons l’ouverture de négociations d’une nouvelle convention ayant pour objectif d’indemniser tous les travailleurs privés d’emploi à hauteur de leur ancien salaire et jamais en-dessous du SMIC !

contre l'effondrement des indemnités chômage : annulation de la réforme