La lutte pour la défense de l’Assurance-Chômage est celle de tous les travailleurs !

Les vraies raisons des réformes du chômage

1) Imposer la précarité

Depuis 30 ans, la précarité explose. Dans les établissements de plus de 50 salariés, le nombre de contrats signés en CDD a été quasiment multiplié par dix de 1993 à 2023 et sont de plus en plus courts (cf. graphique). En 2022, les contrats précaires, CDD et intérim, représentaient 90.2% des embauches.

Face à cette fragmentation du travail souhaitée uniquement par le patronat – plus de 90% des salariés en situation précaire affirment qu’ils préféreraient un CDI (Insee, 2021) – le gouvernement l’impose en s’attaquant à la protection sociale du chômage des travailleurs précaires.

La réforme de 2019, à l’opposé de l’idée fondatrice de la Sécurité Sociale « je cotise selon mes moyens et reçois selon mes besoins » a accentué la  logique dite de contributivité « je reçois selon mon niveau de contribution » en prenant en compte les jours non travaillés dans le calcul des allocations    chômage et en durcissant la durée d’affiliation nécessaire à l’ouverture des droits. Pour les travailleurs précaires, en CDD ou intérim, les conséquences sont dévastatrices ! Entre 2019 et 2022 : -27% et -35% d’indemnisés / -10% et -14% du montant moyen des allocations.

Les principaux effets du durcissement des conditions d’ouverture sont de deux ordres : une baisse significative des inscriptions ou réinscriptions à France Travail et le maintien dans la précarité (contrats inférieurs à deux mois) des jeunes et des femmes. Le changement du mode de calcul a entrainé une chute du montant des    allocations journalières (AJ) : entre 2019 et 2022, la part des AJ inférieures à l’allocation minimale (31.59€ / jour) est passée de 27 à 45% et 11% sont même inférieures à l’allocation spécifique de solidarité (18.17€ / jour).

Ces premiers éléments démontrent le réel objectif de la réforme de 2019 : il ne peut exister un très haut niveau d’emplois précaires sans la peur d’un chômage non     indemnisé ou très faiblement !

Contester les réformes de l’Assurance-Chômage revient aussi, dans les entreprises, à combattre et faire reculer la   précarité notamment par l’organisation de bureaux d’exigence d’embauches stables.

Annonce Attal  : réduire la période de recherche d’affiliation

Gabriel Attal a annoncé que le gouvernement souhaitait aller plus loin dans cette logique de contributivité en abaissant la période de recherche d’affiliation de 24 à 18 mois.

Pour donner une idée de l’ampleur de l’attaque, avant 2019 il fallait travailler en moyenne un jour sur sept (4 mois de travail sur les 28 derniers mois, 4/28) après 2019 un jour sur quatre (6/24) et possiblement demain un jour sur trois (6/18) soit deux fois plus de travail qu’avant 2019 !

Avec cette mesure le gouvernement privera d’allocations chômage 65 à 80% des intérimaires et l’écrasante majorité des travailleurs en contrats cours, notamment les saisonniers agricoles.

2) Imposer les mauvaises conditions de travail

D’après le 12ème baromètre d’Empreinte Humaine, un salarié sur deux s’estime être en détresse psychologique à cause de la charge du travail. Ainsi, 27% des salariés ont été en arrêt maladie en 2023, notamment pour récupérer psychologiquement d’un travail trop intense, raison pour laquelle quatre   salariés sur dix souhaitent quitter leur entreprise.

Depuis 2014, on constate une multiplication par deux du nombre de démissions et depuis 2008, une augmentation  exponentielle du nombre de ruptures conventionnelles !

Afin de surexploiter les travailleurs, le patronat organise le sous-effectif, ce qui entraine un départ massif de salariés dans certains secteurs. La véritable cause des soi-disant tensions sur le marché du travail ne provient donc pas du refus des chômeurs de travailler mais bien du refus des     employeurs d’embaucher à la hauteur des besoins !

Au lieu de s’attaquer aux mauvaises conditions de travail issue d’un sous-effectif organisé, le gouvernement enchaîne les mesures destinées à enfermer les travailleurs dans leur emploi dégradé. Ainsi, en 2023, il a requalifié les abandons de poste en démissions ne permettant pas l’indemnisation chômage et a introduit une nouvelle mesure consistant à priver d’indemnisation chômage les salariés qui refuseraient successivement deux CDI.

Pire, pour cacher la responsabilité du patronat, il désigne les travailleurs privés d’emploi comme étant les responsables du sous-effectif, faisant passer pour des difficultés de recrutement ce qui est en réalité une politique patronale d’exploitation brutale qui épuise et abime les travailleurs.

Pour accompagner cette politique d’augmentation de l’exploitation, le gouvernement a introduit une baisse de la durée d’indemnisation de 25%. Il justifie cette attaque par une pseudo mesure de contracyclicité alors qu’il s’agit, d’une part, de faire peur aux travailleurs pour les contraindre à accepter les mauvaises conditions de travail et, d’autre part, d’imposer aux privés d’emploi des emplois encore plus dégradés.

Plus que jamais revendiquons l’indemnisation de tous les travailleurs privés d’emploi et précaires !

Annonce Attal  : nouvelles mesures de contrainte et de baisse de la durée d’indemnisation

Alors que le chômage repart à la hausse, Gabriel  Attal annonce une nouvelle baisse de la durée de l’indemnisation — qu’il prévoit de réduire de 18 à 12 mois — et la suppression de la rupture conventionnelle donnant droit à l’indemnisation chômage.

3) Imposer le travail sans droits

En réponse à la crise des gilets jaunes, Macron a lancé en 2019 un faux grand débat autour d’une série de projets pour son premier quinquennat. Parmi eux, le Revenu Universel d’Activité : fusion de tous les minimas sociaux (APL, RSA, ASPA…). Ce  projet se place dans la perspective d’un changement profond de notre modèle de sécurité sociale : la substitution d’une protection sociale financée solidairement par des cotisations     sociales par une charité d’Etat financée par des impôts    exigeant une contrepartie en terme d’activité.

La société que nous réservent le capital et le gouvernement est une société du travail sans droits. Depuis déjà plusieurs décennies se développent des contrats atypiques, dérogatoires au code du travail prévoyant notamment une rémunération bien inférieure au SMIC comme le contrat de professionnalisation ¨(PEC), l’apprentissage ou les contrats aidés (CUI, CIE).

Tous ces contrats et dispositifs dérogatoires (IAE, TZCLD) comme le conditionnement du RSA contre 15h d’activité  minimum  reposent sur la même doctrine : il ne peut y avoir de lutte contre le chômage de longue durée sans la remise en cause des garanties collectives que la classe ouvrière a arraché de haute lutte !

Cette doctrine promeut le retour à une exploitation s’apparentant à l’esclavage et sert également pour le capital à ne rémunérer les travailleurs que pour les activités qu’il juge rentables.  Plus largement il s’agit donc d’une entreprise idéologique visant à redéfinir le travail en l’éloignant d’une activité sociale     répondant aux besoins sociaux ! En pleine crise systémique, ce sont d’ailleurs dans les services publics et les associations d’aide à la personne, déjà grand pourvoyeurs de contrats atypiques, que va pulluler le bénévolat !

Le plein-emploi précaire et sans droits se concrétise dans les entreprises et branches professionnelles par la remise en question de la qualification comme base du salaire. La qualification est remplacée par le paiement au poste et à la tâche. Cette    dégradation des conditions salariales sera d’autant plus facilement imposée que les travailleurs privés d’emploi et précaires   auront le « choix » entre un faible salaire ou… du bénévolat !

Annonce Attal  : suppression de l’ASS

Sous conditions de revenus et d’avoir travaillé cinq ans sur les dix dernières années, il est possible d’être indemnisé au titre de l’ASS. Contrairement au RSA, elle permet de valider des trimestres de retraite. Sa suppression priverait, sur le court terme 200 000 allocataires de tout revenu et, sur le long terme, les privés d’emploi et précaires d’une retraite à taux plein !

4) les conséquences des réformes du chômage sur les seniors

Le taux de sous-emploi des seniors est endémique en France. À partir de 45 ans, les travailleurs sont massivement rejetés du marché du travail par l’ensemble du    patronat, avec la complicité de plus en plus manifeste du gouvernement.

En effet, la part des 55–64 ans ni en emploi ni en retraite (NER) n’a cessé d’augmenter depuis 10 ans. 64% d’entre eux subissent cette situation, du fait d’une perte d’emploi et/ou de problèmes de santé ou de handicap. Ces chiffres donnés par le BIT sont par ailleurs bien en-dessous de la réalité, puisqu’ils ne comptabilisent que ceux n’ayant effectué aucune heure de travail dans le mois. Il exclut toutes les situations de travail très partiel. Parmi ces personnes, 61 % sont des femmes.

Des dispositifs spécifiques supprimés

Cette discrimination liée à l’âge n’est pas nouvelle. C’est pourquoi des dispositifs spécifiques pour les seniors    privés d’emploi ou précaires avaient été mis en place dans les décennies précédentes. En effet, jusqu’en 2012, les privés d’emploi de plus de 57 ans (55 ans dans certaines conditions) étaient dispensés de recherche d’emploi. De plus, les plus de 55 ans connaissaient une durée d’indemnisation plus longue (36 contre 24 mois jusqu’en 2023 puis 27 contre 18 depuis). Or, la dispense de recherche d’emploi a été supprimée en 2012, les plus de 57 ans pouvant donc désormais être radiés pour insuffisance de recherche d’emploi et se voir imposer des prestations, parfois même jusqu’à 63 ans !

L’objectif affiché : une augmentation du taux d’emploi des 60-64 ans à 65% en 2030, pour seulement 36,2% aujourd’hui. Un leurre quand on connaît les pratiques patronales d’exclusion des travailleurs les plus âgés. La DARES elle-même estime que les effets de ces suppressions seront seulement de 40 000 à 60 000 retours à l’emploi, qu’il faut contrebalancer par un basculement massif en fin de droits pour au moins 500 000 allocataires.

En 2018, la DREES observait qu’un tiers des seniors sans emploi ni retraite vivaient en dessous du seuil de pauvreté. Avec un niveau de vie médian de 1 270 euros par mois, le taux de pauvreté des seniors NER atteignait 32 %, contre 7 % pour les seniors en emploi ou à la retraite. Et demain sera pire : contraints de choisir entre solder leur retraite avec une décote ou vivre avec des aides de misère, voire sans aucun revenu, les travailleurs de plus de 50 ans vont voir leurs conditions d’existence se dégrader considérablement tandis qu’un nombre grandissant d’entre eux finiront au minimum vieillesse (1012 euros par mois pour une personne seule).

Plus encore, la France est le seul système de retraite au monde à exiger à la fois une durée de cotisation de 43 annuités ET un âge de départ minimum de 64 ans. Cela renforcera les inégalités entre les classes populaires et les classes aisées puisque les travailleurs ayant commencé à travailler jeune dans des métiers souvent plus pénibles et moins bien rémunérés devront partir en même temps que les travailleurs des classes aisées ayant fait des études plus longues, alors même que l’espérance de vie des ouvriers/employés est inférieure de 6 ans à celle des cadres !

Annonces Attal :

suppression des filières indemnisation

De même, le gouvernement a pour projet d’imposer un alignement du temps d’indemnisation des seniors sur celui des autres « catégories ». Alors que la durée d’inscription à France Travail est deux fois plus longue pour les plus de 50 ans (en moyenne 609 jours contre 295 pour les 25-49 ans), ils pourraient perdre jusqu’à 24 mois d’indemnisation !