Note revendicative – Territoires Zéro Chômeur Longue Durée (TZCLD)

Cette note sur l’expérimentation dite « Territoire Zéro Chômeur Longue Durée » a été produite par la Commission Revendicative du Comité National des Travailleurs Privés d’Emploi et Précaires de la CGT. Vous trouverez en fin d’article cette même note maquettée téléchargeable en format PDF et pourrez la lire via un lecteur de fichier PDF.

 

Note Territoire zéro chômeur longue durée

Après trois ans d’expérimentation, au moment où se discute l’élargissement de cette expérimentation, le CNTPEP a souligné le décalage important entre l’impressionnante propagande pour le dispositif et son élargissement au regard du nombre relatif d’emplois créés et des atteintes aux droits de ces salariés. Si l’expérimentation s’étend de 10 territoires actuellement à plus de 200 comme proposé, on passera alors d’une entreprise idéologique à une entreprise de remise en question globale des droits collectifs des travailleurs.

Nous identifions bien TZCLD comme un prolongement des attaques portées contre les travailleurs avec la loi El Khomri et les ordonnances Macron : attaque contre les fonctionnaires et leur statut, poursuite de la casse de la Sécurité sociale, remise en cause du CDI et du droit du travail avec l’instauration d’un contrat unique, sans droits sociaux, tremplin vers encore plus de remise en cause du droit syndical et de développement du travail précaire.

 

ORIGINE ET PRINCIPE DU PROJET

 

Genèse de la loi

Le projet « Territoires zéro chômeurs de longue durée » a été porté dès l’origine par ATD Quart Monde en partenariat avec le Secours catholique, Emmaüs France, Le Pacte Civique et la Fédération des Acteurs de la Solidarité, qui les fédère tous.

L’objectif idéologique est de combattre le terme même de « privation d’emploi » en assurant que sur chaque territoire, « ce n’est pas l’emploi qui manque ». Pour cela, ATD Quart Monde et notamment son dirigeant Patrick Valentin imaginent un dispositif assurant un salaire à 100% versé par l’Etat aux entreprises, afin de développer des emplois nouveaux, par principe non concurrentiels des emplois existants localement, en partie pour répondre à des besoins non solvables.

Une proposition de loi « d’expérimentation territoriale » n° 2016-231 est déposée par le député PS Laurent Grandguillaume et votée à l’unanimité du Parlement le 29 février 2016, pour permettre l’expérimentation de ce dispositif sur 5 ans dans 10 territoires locaux.

Le financement du projet

ATD Quart Monde a réalisé une étude macro économique (étude 2017 avec chiffres de 2016). Il s’agit de rediriger les « coûts » de la privation d’emploi, estimés à 43 milliards d’euros par année:

  • 35 % de « manque à gagner d’impôts » concernant les chômeurs non imposables
  • 26 % de « dépenses sociales » versées comme les APL, le RSA, l’AAH…
  • 19 % de « dépenses liées à l’emploi » comme le versement de l’ASS, la formation professionnelle ou l’accompagnement,
  • 20 % de « coûts induits » par le chômage (logement, santé, délinquance…).

Pour ATD Quart Monde, le chômage « coûte » donc 15 000 € par personne et par an. Ce financement assimile d’un côté l’impôt qui ressort des missions de l’Etat et de l’autre des allocations  au moyen des cotisations sociales des travailleurs : notre protection sociale. Par ailleurs, on voit bien comment cette confusion est doublée d’une stigmatisation des travailleurs privés d’emploi associés à la délinquance, reprenant ainsi le discours réactionnaire sur le « mauvais pauvre ».

Détournement de fonds en bande organisée

Des revenus issus des caisses de la Sécurité sociale sont alors récupérés par l’Etat pour être versées au Fonds national de l’expérimentation, qui verse à « l’entreprise à but d’emploi » de chaque territoire le montant de 100 % du salaire (SMIC). Cette somme doit normalement être modulée en prenant en compte le chiffre d’affaires réalisé par les travaux solvables. C’est donc pour permettre ce transfert des ressources de la Sécurité sociale aux entreprises, auparavant illégal car ne relevant pas du budget de l’Etat, qu’une loi d’expérimentation était justement nécessaire.

Principes du projet

« Territoires zéro chômeurs de longue durée » (TZCLD) repose sur 3 principes avancés :

  1. « Personne n’est inemployable », toutes celles et tous ceux qui sont durablement au chômage ont des savoir-faire et des compétences.

Définir le salarié par son « employabilité » est devenu la référence suprême pratiquée en matière d’organisation du travail. Les promoteurs de TZCLD rappellent que tout humain, même privé d’emploi, « possède des savoir-faire et des compétences » – ce qui d’ailleurs n’est pas le caractère exclusif de l’humain (le cheval bien dressé par exemple acquiert la compétence de tirer la charrue entre les vignes). Donc ce qui distingue ceux qui pensent ainsi, c’est que tout individu est « EMPLOYABLE ». S’il n’est pas employé, c’est que son savoir-faire et ses compétences n’ont pas été reconnues.

Un tel vocabulaire libéral est justement imposé par les capitalistes pour refuser de mettre en cause les raisons profondes du chômage en continuant d’enfermer dans leur prison ceux qu’on prétend aider. Ne pas raisonner en termes de droit au travail conduit aussi à perdre de vue un aspect essentiel pourtant inscrit dans notre Constitution. Tout individu a droit à un emploi (utile socialement, cela n’est effectivement pas précisé), sinon à un revenu de remplacement qui lui permet de vivre. L’articulation entre situations d’emploi et de non-emploi est volontairement ignorée.

  1. « Ce n’est pas le travail qui manque, c’est l’emploi », puisque de nombreux besoins de la société ne sont pas satisfaits.

Il s’agit là a priori d’un constat de bon sens. Au début des années 70 les besoins à satisfaire dans notre Société étaient plus nombreux (certain ont été satisfaits depuis),  pourtant l’emploi ne manquait pas. Hélas dans nos sociétés, ce n’est pas la prise en compte des besoins à satisfaire qui valide la création d’emploi. Le seul secteur essentiel où c’est le cas, c’est la Fonction Publique (les enseignants, les personnels de Santé, les pompiers…) où la France de 1945 a établi qu’une société solidaire ne pouvait fonctionner sans l’existence d’institutions (la Fonction Publique et les Services Publics) assurant l’accès à toute la population aux droits fondamentaux (s’éduquer, se soigner…) et assurant au personnel concerné la pérennité de l’emploi nécessaire à l’exercice de leur fonction (le statut de la Fonction Publique). Il est important de constater que pour les promoteurs de TZCLD, il n’est possible de créer des emplois répondant aux besoins sociaux exclusivement que s’ils ne relèvent plus de la Fonction Publique comme les nombreux exemples d’élagage, de débroussaillage ou d’entretien des espaces verts des communes.

  1. « Ce n’est pas l’argent qui manque », puisque le chômage de longue durée entraine de nombreuses dépenses et manque à gagner que la collectivité prend à sa charge.

Quels sont donc les repères des promoteurs de TZCLD en matière de justice sociale, et quelles sont les actions et les priorités qui en découlent ? D’abord sur l’origine et l’ampleur des « manque-à-gagner que la collectivité prend à sa charge ». Aujourd’hui, la France perd 60 à 80 milliards d’euros par an du fait de l’évasion fiscale. Si l’on veut réaffecter des manque-à-gagner que supporte la collectivité, la morale et la justice sociale les plus élémentaires commandent de s’attaquer d’abord à ces faits qui, eux, sont incontestablement scandaleux.

Et puis, qu’est-ce donc que ce vocabulaire ? Les aides sociales que nous peinons tant à maintenir (ce « pognon que ça coûte ») représenteraient donc des « dépenses » et des « manque-à-gagner » ? Est-ce que ce ne sont pas d’abord et surtout des réponses à des situations d’urgence intolérables, même si elles sont insuffisantes ? Et l’insuffisance et la complexité de ces réponses ne résultent-elles pas aussi des attaques continuellement portées contre le système de Protection Sociale? Pour ne prendre qu’un exemple l’indemnisation du chômage, fondée sur la Cotisation Sociale (comme pour la Sécu) n’aurait-elle pas dû permettre l’indemnisation de tous les chômeurs à un niveau leur permettant de vivre (aujourd’hui 20% seulement des chômeurs sont indemnisés, pour une allocation mensuelle de 950 € en moyenne) ?

Pour faire vibrer la corde sensible, les promoteurs de TZCLD mélangent allégrement, pour parvenir à un « coût total annuel de la privation d’emploi de 43 milliards d’euros », des masses monétaires qui n‘ont rien à voir entre elles, mais qui auraient toutes en commun de représenter des « charges » pour la Société, qui pourrait utiliser cet argent immobilisé pour « créer des emplois ». De la même façon que les cotisations sociales représenteraient de l’argent immobilisé que les employeurs pourraient utiliser pour « investir et créer des emplois» (mais alors comment les cotisants pourraient-ils se soigner ?). On connaît l’usage que font les employeurs des exonérations de cotisations sociales qu’ils réclament à cors et à cris.

 

 

LES TERRITOIRES, LA STRUCTURATION

 

Le territoire

Au niveau local, l’expérimentation doit être portée par une collectivité territoriale (commune, Communauté de Communes ou Inter Communalité) en collaboration avec les services publics de l’emploi (Pôle Emploi et DIRRECTE), les entreprises d’insertion par l’activité économique et les organisations syndicales. Cette fonction est remplie par le Comité Local (comité de pilotage).

Au sein des Comités de pilotage, des sous-commissions ont été créés : la Commission de vigilance des activités, la Commission de communication, la Commission d’accompagnement de projet, la Commission d’évaluation.

La structure d’accueil des salariés

L’Entreprise à But d’Emplois (EBE). En lien avec Pôle Emploi ou une Mission Locale , il s’agit d’une entreprise d’insertion ou d’une association créée à partir de rien.

Le fonds d’expérimentation

Le Comité Local signe une convention avec le Fonds National d’Expérimentation, association créée pour gérer les Fonds publics servant à subventionner les emplois et à suivre le déroulé des opérations sur les territoires expérimentaux.

Les dix territoires

Au 30 Juin 2018, 565 personnes étaient embauchées sur les 10 territoires expérimentaux :

  • Colombelles (14), EBE : ATIPIC Emplois Nouvelles Génération, 41 salariés / 38,6 ETP
  • Colombey et Sud Toulois (54), EBE : La Fabrique, 49 salariés / 42,83 ETP
  • Jouques (13), EBE : ELAN, 34 salariés / 27,42 ETP
  • Pipriac / St Gandon (35), EBE : TEZEA, 60 salariés / 51,91 ETP
  • Loire Nièvre et Bertranges (58), EBE : EBE 58, 72 salariés / 72 ETP
  • Métropole Européenne de Lille (59), EBE : La Fabrique de l’emploi, 103 salariés / 90,04 ETP
  • Thiers (63), EBE : Actypôles, 58 salariés / 56,9 ETP
  • Villeurbanne / St Jean (69), EBE : EMERJEAN, 60 salariés / 52,53 ETP
  • Paris 13ème (75), EBE : 13 AVENIR, 22 salariés / 17,34 ETP
  • Mauléon (79), EBE : ESIAM, 65 salariés / 55,78 ETP

Les dirigeants de TERRITOIRE Zéro Chômeurs de longue durée, Retour sur la carrière et les engagements des dirigeants de TZCLD, bien loin de ceux des travailleurs…

Patrick Valentin, directeur du Fonds d’expérimentation : Entré dans les ordres au sein de la Compagnie de Jésus (jésuites), il devient par la suite représentant de l’UIMM en Île de France (patronat de la métallurgie). Il a fréquenté les dirigeants de nombreuses associations de charité dont ATD Quart Monde pour fabriquer la communication de TZCLD. Il déclare : « le chômage n’est pas un problème économique mais éthique, la conséquence des égoïsmes. »

Louis Gallois, président de TZCLD : « Monsieur liquidateur des entreprises publiques » (EADS, SNCF, Safran Snecma…), président du Conseil de surveillance de PSA et l’auteur du rapport « Compétitivité France », dont l’une des 22 propositions est le transfert des cotisations sociales vers la fiscalité. Président de la FNARS (Secours catholique, Emmaüs France…). « Sous sa direction, près de 20 000 emplois de cheminots ont étés détruits à la SNCF, et 18 000 à PSA ! »

Michel Davy de Virville, vice-président de TZCLD : Ancien président de l’UNEDIC qui démissionne en 2008 car il est mis en examen dans l’affaire de la caisse noire de l’UIMM. Il rédige un rapport anti-travailleur sur la pénibilité au travail. Ancien DRH du groupe Renault, président de la commission du MEDEF « Relations du travail », F. Fillon lui confie en 2004 la rédaction du rapport « Pour un droit du travail plus efficace » où il défend le contrat de projet et le remplacement du CDI par un contrat de travail unique.

Sources :

Effectifs disponibles SNCF : https://ressources.data.sncf.com/explore/embed/dataset/effectifs-disponibles-sncf-depuis-1851/table/?sort=date

Rapports annuels PSA : https://www.groupe-psa.com/fr/publication/resultats-annuels-2018/

 

DUMPING SOCIAL : LES CRITIQUES DE LA CGT

 

Dès l’origine du projet, le CNTPEP n’a pas cessé d’alerter sur les dangers de ce projet et des attaques qu’il porte contre le salaire indirect et la revendication légitime d’un travail avec des droits. Après trois ans d’expérimentation et l’investissement des comités locaux des travailleurs privés d’emploi dans plusieurs territoires, nous pouvons dresser un premier bilan sur la nature des activités concernées, le financement du projet, les atteintes aux droits des salariés des EBE.

Des activités en concurrence avec la fonction publique territoriale

Alors que les promoteurs de l’expérimentation TZCLD ont assuré que les emplois seraient « des emplois nouveaux, non concurrentiels », le CNTPEP relève que 80% des travaux effectués relèvent des compétences des agents territoriaux ou du tissu économique déjà présent localement. Ils forment donc directement une attaque contre les agents territoriaux de ces communes et accentue la concurrence entre les salariés en représentant la manne de travailleurs 100% gratuit pour les employeurs. Dans son avis, la délégation CGT au CESE relève « les risques de concurrence et de substitution vis-à-vis des activités et des emplois existants ».

Qui devraient relever d’emplois de fonctionnaires territoriaux ?

  • Médiation dans les transports – Thiers et Pipriac
  • Entretien de l’espace public – Paris 13
  • Entretien des espaces verts – Thiers + Mauléon
  • Visites commentées du village – Jouques
  • Entretien et nettoyage des tombes – Jouques
  • Surveillance et ménages dans les écoles – Mauléon et Jouques
  • Collecte des déchets – Villeurbanne et Jouques
  • Débroussaillement et désherbage – Jouques
  • Services de la mairie – Pipriac
  • Entretien des forêts et des bords des cours d’eau – Colombey
  • Chantiers / Aménagement de locaux de la mairie – Thiers
  • Travaux d’entretien des logements sociaux de la commune – Villeurbanne

Qui concurrencent les emplois déjà existants ?

  • Photocopies – Lille
  • Soutien scolaire – Villeurbanne
  • Pompiste pour Super U – Colombelles
  • Coupe de bois – Nièvre
  • Accompagnement de personnes âgées – Colombelles
  • Lavage de véhicules – Villeurbanne et Pipriac
  • Publicité itinérante – Paris 13
  • Fabrication de miel – Colombey
  • Ménages pour l’ADMR – Mauléon
  • Vente de matériels informatique – Colombelles
  • Garage : entretien et réparation de véhicules – Thiers
  • Fabrication de couteaux – Nièvre
  • Rénovation de façades – Colombelles

Attaques contre les droits des salariés des EBE : des emplois à quel prix ?

Dès son avis devant le CESE, la CGT alerte sur le fait que l’expérimentation « ne doit pas fragiliser les droits collectifs de l’ensemble du salariat et des privés d’emploi, porter atteinte aux droits individuels de celles et ceux qui s’engagent dans l’expérimentation ». Au fil des mois, notre avis est conforté au regard des nombreuses attaques rencontrées :

« En fait d’emplois en CDI, ce sont des CDD de 5 ans, en conséquence de la durée de la loi d’expérimentation. En fait de temps pleins, ce sont souvent des temps partiels. En fait de droits, on attend le respect des conventions collectives. En fait d’accompagnant à la formation, tel que promis au démarrage, il est largement insuffisant. » Communiqué de presse confédéral du 25 janvier 2018

L’absence de conventions collectives conduit à une absence de grille salariale (donc d’évolution de carrière possible) ou d’évolution de salaire qui reste bloqué au SMIC horaire, quel que soit le niveau de qualification au moment du recrutement ou acquises pendant le contrat.

L’absence de fiches de poste entraîne une flexibilité et une polyvalence imposées, qui conduit systématiquement à des entretiens disciplinaires voire des licenciements lorsque celles-ci sont contestées par les salariés ou leurs délégués CGT (à Villeurbanne, Bénédicte DS CGT rapporte « j’ai assisté cinq salariés en entretien disciplinaire sur une seule journée »).

«  On nous a vendu du rêve et de l’espoir depuis le début »

« Quand on nous a vendu l’entreprise à but d’emploi, on nous a demandé ce que l’on savait faire, ce que l’on voulait faire, on nous a dit que les formations étaient décidées collectivement et en fin de compte c’est le directeur qui décide seul. On nous a promis des formations, mais au bout d’un an et demi, on s’aperçoit qu’on n’a pas de formation qualifiante. Pour 2019 seules des formations aux besoins de l’entreprise seront disponibles. » BENEDICTE –  DS CGT de l’EBE de Villeurbanne St Jean

https://www.facebook.com/CGTchomeursprecairesLyon/videos/362504388018375/

Voir vidéo en fin d’article

Financement : poursuite de la casse de la Sécurité sociale

Comme indiqué plus haut dans cette note, le discours réactionnaire sur le « coût pour la société » des travailleurs privés d’emploi se double d’une attaque grave contre la Sécurité sociale, puisque le financement de l’expérimentation repose, outre une part provenant de l’Etat, sur la « réutilisation » des allocations dépendant des différentes caisses de la Sécu (Unedic concernant les allocations chômage, CNAF concernant les APL ou le RSA…), un vol des cotisations illégal mais rendu possible par la loi d’expérimentation. C’est ce sur quoi alertait la Confédération dans son communiqué du 25 janvier 2018 : « le financement de cette expérimentation, assuré en partie par l’État, risque de s’amenuiser, pour être remplacé par l’utilisation de fonds provenant du RSA, de Pôle Emploi et de divers moyens actuellement alloués à l’action sociale. En outre sont mobilisées les allocations des salariés eux-mêmes, provenant de leurs cotisations ».

Ainsi, la loi d’expérimentation TZCLD contourne la légalité : l’association d’une part d’aides de l’Etat et d’autre part des cotisations sociales revient à transformer du salaire indirect en salaire direct. C’est-à-dire transformer des droits inaliénables en un revenu conditionné par une obligation de travail. Cela rappelle les pratiques de plusieurs conseils départementaux qui exigent du travail gratuit en échange du RSA.

Répression contre l’investissement de la CGT aux côtés des salariés des EBE

« La CGT soutient les salariés qui s’inscrivent dans le dispositif et leur volonté de retrouver un emploi digne. Elle continue d’exiger le respect de tous leurs droits et de toutes les promesses qui leur ont été faites, loin des opérations de communication » a rappelé la Confédération en janvier 2018. Là où des comités locaux de privés d’emploi CGT étaient implantés, ils ont naturellement étés les premiers aux salariés des EBE et à les accompagner dans la défense de leurs droits.

Alors que la Loi d’expérimentation insistait sur le fait d’associer les organisations syndicales (comme pour n’importe quelle entreprise), nos camarades ont été victimes de répression syndicale et de délits d’entrave à leur action, et ce à plusieurs titres :

  • refus de la présence de la CGT dans les comités locaux de pilotage (comme à Mauléon dans les Deux-Sèvres)
  • volonté de repousser les élections professionnelles et pression de la direction sur les candidats CGT, comme à Colombelles (Calvados),
  • à Villeurbanne Saint-Jean (Rhône), 3 procédures disciplinaires à l’encontre de syndiqués CGT, dont 2 délégués CSE et notre DS CGT (avec témoignages fallacieux suscités par le patron).

A chaque fois, les directions jouent sur la fragilité de ces travailleurs privés d’emploi depuis longtemps, en exerçant sur eux une pression permanente (sur le seul territoire de Mauléon, on compte une trentaine de démissions pour 65 salariés au 30 juin 2018) pour leur imposer l’absence de droits et les éloigner du syndicat. Cependant, l’action des comités locaux de privés d’emploi a permis la syndicalisation de ces travailleurs éloignés du syndicalisme, la création de syndicats CGT et la constitution de listes, comme à Colombelles, et la victoire de celle-ci à Villeurbanne.

 

 

VERS L’ÉLARGISSEMENT DE L’EXPÉRIMENTATION

 

Une attaque idéologique contre l’ensemble des travailleurs

D’une durée de 5 ans, l’expérimentation actuelle sur les 10 territoires doit s’achever en 2020. D’ici là, ATD Quart Monde et les différents promoteurs de TZCLD sont pleinement investis (au moyen d’un lobbying auprès des parlementaires et de puissantes campagnes dans la presse) en vue d’une seconde loi d’expérimentation, permettant non seulement de la prolonger mais de l’élargir de 10 territoires à un objectif de 200. A ce jour, 240 collectivités se sont portées candidates, qui voient certainement dans la généralisation de TZCLD une aubaine pour concurrencer durablement d’actuels emplois d’agents territoriaux. La suppression de l’ensemble des emplois aidés renforce encore cet appel d’air pour profiter d’une manne de travailleurs gratuits pour les différentes collectivités ou entreprises privées.

Avec « Territoire zéro chômeurs de longue durée », les « entreprises à but d’emploi » deviennent des entreprises qui ne servent plus au tremplin vers l’emploi comme annoncé, mais un lieu de non-droits sociaux, avec une exploitation d’autant plus sournoise qu’elle repose sur le matraquage médiatique qu’un retour à l’emploi n’aurait pas été possible pour ces travailleurs sans l’expérimentation ; et donc une exploitation d’autant plus brutale qu’elle s’exerce sans conventions collectives ni fiches de poste, au contrat unique.

Le développement d’une expérimentation comme TZCLD souligne le développement du travail gratuit comme dénoncé depuis de nombreuses années par le CNTPEP avec la multiplication des stages non rémunérés ou des services civiques, notamment dans les services publics chargés de l’action sociale comme à Pôle Emploi, à la Sécu… Spécifiquement avec TZCLD s’installe l’idée cynique qu’il n’est pas possible de s’attaquer au fléau du chômage de masse, en particulier pour les chômeurs «de longue durée» sans que ceux-ci se paient eux-mêmes leur salaire et qu’aucun coût ni contreparties n’existe pour l’employeur.

Si le combat contre le chômage se fait au détriment du droit au travail et d’un travail avec des droits, il sert alors à la promotion du travail gratuit et du dumping social, comme c’est le cas avec « Territoires zéro chômeurs de longue durée ».  Avec l’expérience de l’investissement de nos comités locaux auprès des salariés des EBE, le Comité national des travailleurs privés d’emploi et précaire confirme son analyse critique contre les graves attaques que l’expérimentation TZCLD contient et qu’elle développe.

En conséquence, nous sommes donc opposés à tout élargissement ou prolongation de cette expérimentation et revendiquons l’intégration des salariés des EBE dans les entreprises publiques ou privées dont elles concurrencent les emplois. Nous poursuivrons notre engagement syndical en faveur de l’organisation et des droits légitimes des travailleurs privés d’emploi et précaires.

 

 

Sources

Note au bureau confédéral sur TZCLD, par David RAMBAUT, membre de la CEC

Note de l’Espace revendicatif confédéral aux UD sur TZCLD du 31 octobre 2018

Avis de la délégation CGT au CESE sur l’expérimentation du 10 novembre 2015

https://www.lecese.fr/travaux-publies/exprimentation-territoires-z-ro-ch-mage-de-longue-dur-e-conditions-de-r-ussite

Bilan 2018, Expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée de septembre 2018

« 420 créations d’emplois : à quel prix ? » Communiqué de presse confédéral du 25 janvier 2018 https://www.cgt.fr/comm-de-presse/420-creations-demploi-quel-prix

« Dispositif « Territoires zéro chômage » la CGT interpelle Louis Gallois, pilote du projet »

vidéo Ouest-France – https://www.dailymotion.com/video/x6yprb4

« Entretien avec Bénédicte, déléguée syndicale CGT à Emerjean Villeurbanne »

Page Facebook Comité CGT Chômeurs et précaires Lyon

 

 

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